L’atelier Poésie Adulte de Noisiel de l’après-midi continue par correspondance.

En décembre, à la suite de l’atelier de novembre, nous avons continué à creuser ces trois mots : Mer – Océan – Horizon

A partir de tableaux impressionnistes ;

Et du poème Recette de Eugène Guillevic ;

Gustave Courbet - La vague - Musée des Beaux-Arts d'Orléans

Suivant la « Recette » d’Eugène GUILLEVIC

Prenez un soleil rouge qui frôle l’horizon
juste à la fin du jour

Placez de part et d’autre
deux gros nuages mauves
encore gonflés de pluie

Mettez devant chacun
une envolée d’un millier de passereaux

Laissez-les faire
Regardez-les.

Mireille M.

Bel océan !

Tu me balances comme un fétu de paille. Petite coquille de noix, ballottée, épuisée, je ne retournerai plus dans tes flots.

Ma voile arrachée, ma coque éventrée, je prends l’eau. Comme un lourd cétacé, échoué, je m’endors sur ta plage.

Et pourtant, quel joli bateau j’étais ! Avec Loïc mon compagnon de pêche, nous t’avons tellement aimé Océan !

Durant un demi siècle, nous avons chevauché tes vagues, vaincu tes tempêtes. Transis de froid l’hiver, assoiffés, brûlés par le sel et le soleil l’été, nous ne comptions pas nos jours et nos nuits naviguant vaillamment sur tes eaux.

Lorsque venait la nuit et que ta couleur était d’encre, nous accostions au petit port tout près. Mon ventre regorgeait de poissons d’argent, le fruit de notre travail. Tu nous nourrissais et nous te vénérions tel un dieu.

Souviens-toi Océan, Marie, l’épouse de Loïc, toujours nous attendait. Sa petite silhouette noire, marchant le long de la grève, se dessinait au clair de lune. Nous étions pauvres mais si heureux !

Plus le temps passait, plus la vie devenait difficile. Les poissons se faisaient rares, il fallait naviguer toujours plus loin. La pêche était maigre et les risques trop grands. Ce fut alors la fin de cette vie en mer que nous aimions tant. Loïc décida de rester à quai pour vivre ses dernières années. Sans lui, trop usé, je n’étais plus rien…

De temps en temps, à marée basse, Loïc, heureux grand- père, emmène ses petits enfants me rendre visite. Ils s’assoient sur ce qui reste de ma pauvre carcasse et le vieux pêcheur leur raconte nos aventures comme une épopée grecque ou me transforme en vaisseau de corsaires…

Tu sais Océan, je ne partirai pas d’ici, mon ancre est bien accrochée dans le sable. Mais, quand mon heure sera venue, Loïc m’a promis de me libérer.

Alors toi, Océan, tu me prendras, je me loverai dans le creux d’une immense et ultime vague et me fondrai dans son écume.

Océan, tu es ma vie, tu es mon lit, tu es mon royaume.

Mireille M.

Les surfeurs

Comme un cheval au galop
La mer s’affole et bondit
Contre la falaise d’Etretat
Le ciel est bleu pourtant

Les mouettes volent au-dessus de l’eau
De loin, on entend leurs cris
Les surfeurs ont disparus au-delà
De la trompe d’éléphant

Qui viendra les secourir ?
Sur la plage tous regardent
En direction de la mer
Chacun scrute l’horizon

Les enfants continuent à courir
Personne ne se hasarde
Les femmes font des prières
Les vagues sont comme des tourbillons

Tout à coup, des bras se lèvent
Les surfeurs sont portés par une vague
Plus haute que les autres
Puis elle les ramène en arrière

De nouveau, les vagues les soulèvent
Les deux hommes zigzaguent
Enfin ils reviennent vers la côte
Sauvés, échoués contre une barrière

Barrière d’hommes et de femmes
Qui applaudissent ces imprudents
La falaise au loin n’a pas un regard pour eux
Etretat retrouve sa sérénité

Nicole D.

Claude Monet - Falaise

Ma recette, d’après celle de E. Guillevic

Prenez une pincée d’amour
Chaque soir avant minuit

Placez près d’elle
Un soupçon de magie
Caché dans un pot

Mettez sous l’oreiller
Des étoiles, dorées
Par les rayons de lune

Laissez-les faire
Regardez-les

Nicole D.

Gustave Courbet - La vague - Musée des Beaux-Arts d'Orléans

Recette lointaine

Prenez un soleil émerveillé plongeant à l’horizon

Placez à côté une paillote légère au souffle de la bise

Mettez votre chapeau de paille et vos pieds nus

Laissez faire
Regardez

Joëlle Delers

Les vagues se fracassent contre la coque en bois où je suis réfugiée

Le vent hulule dans mes cheveux

Les voiles repliées fouettent mes jambes

J’attends la marée, à l’abri

La coque est forte, sereine, elle saura affronter les tourments de la mer

Alors, moi aussi

Joëlle Delers