La vieille Hélène
La tête est formée
restent les traits
cheveux fins et souples
pas l’ombre d’une boucle
je module la coiffure
préservant sa structure
les méandres des oreilles
je peine à faire pareil
puis les rides de la vie
qui parlent comme un livre
habilement je les trace
donnant vie à cette face
nez droit épaté
sourcils relevés
menton en avant
peut-être plus de dents
dans les plis et replis
se déroule sa vie.
Bérangère
Appuyée, plissée, tannée.
Je découvre la douceur de ce qui mêle et colle à la fois.
Courbes, fine peu, presque abords de la déchirure.
De celles de la vie à la mort.
Pourquoi elle ?
Pourquoi pas eux?
Parce que leurs gestes m’épuisent
et que j’aimerais fondre.
Renaître de colère,
trancher mon corps neuf dans le marbre
le souffre, le sable, le feu, le verre.
Me briser encore.
Fondre.
Renaître dans le feu.
Hayet
La caresse de mes doigts sur chaque ride
Et bien là, je reste
Danse, danse encore, danse avec moi
serre-moi fort, ne me laisse pas partir
Les vagues
Chaque ride compte
Mes yeux, mes doigts
La matière
Le chaud, le froid, je ne sais pas
C’est la légèreté du sourire qui me tient
La légèreté des rides
La matière est forte
Joëlle Delers
LE JEUNE PÂRIS
Des souvenirs de notre vie royale
De la mémoire des flammes embrasant Troie
Que reste-t-il de nos amours ?
Mes doigts cherchent ton visage
Mes yeux pleurent ton corps meurtri.
La glaise entre mes mains
prend progressivement tes formes.
Ton port altier dominant tes compagnons,
ou ton corps sans vie gisant aux pieds adverses ?
Ton visage souriant pour m’accueillir le matin
ou ensanglanté par les flèches qui t’ont percé ?
Aucune ride, aucune fronce ne te marquent
Ta belle chevelure couvre tes vives épaules
Ton armure me protège à jamais.
Mélanie
Atelier Poésie Adulte Noisiel
Vendredi 9 octobre 2020
Nous commençons un parcours avec Camille Claudel, qui nous emmènera, nous le souhaitons, jusqu’au Musée Camille Claudel de Nogent-sur-Seine.
Petits gestes qui caressent
Toucher, mais d’abord casser
Et puis encore casser
Au bout il faut arrondir
Le torse, deux doigts et huit autres
Qui cherchent la matière
La matière qui accroche encore
Mais bientôt le buste commence
A prendre la forme de deux arrondis
Il faut aller plus bas pour voir
Frémir ce petit arrondi
C’est un torse qu’on aime et on imagine
On imagine ce visage : c’est celui d’une femme.
Francine
Le bloc. Rude. Massif.
Je caresse la matière, froide.
D’abord d’un doigt, timide.
Puis je m’aventure, la main.
Je tente une approche, la paume.
J’ose l’aventure, les deux mains.
Allez, je me lance, tout mon corps.
Le ciseau, le burin, les coups.
Je taille, je tranche, je creuse.
Je tourne, je glisse, je m’arrête.
Je m’éloigne, me rapproche, m’éloigne,
Et là, sous mes doigts,
Se créent les corps.
D’abord imbriqués, sans formes,
Ils se détachent ensuite, délicatement.
Lui, les muscles tendus,
La soutient de toute sa force.
Elle, si fine et si légère,
Pose sa tête tendrement sur sa poitrine.
Et il l’entraîne dans un tourbillon,
Et elle glisse, soumise volontaire,
Prête à le suivre au bout de leur vie…
Yse Nelsen
Main creusée pour ta main retrouvée
Bras en ronde pour ta taille encerclée
Visage penché au creux de ton cou : reposer
Ta joue sur ma joue
Avant le baiser
Mon coeur sur ton coeur
Valser valser!
Valérie
La Valse
Retenue par son bras,
La tête inclinée
Pour mieux entendre
Leur musique interne,
La jeune femme
Le torse spiralé
Sourit les yeux fermés.
La bouche de l’homme,
Lèvres jointes
Sent mieux la joue
De sa partenaire,
Savoure son grain
Irrésistiblement doux.
Sa main droite
Le bras tendu
Entraîne celui
De la jeune femme
Les éloigne des corps :
Il retient le 2e temps
Pour arriver plus subtilement
Et plus sûrement encore
Sur le 3e temps
De la trop classique valse.
Rester enlacés
Perpétuellement enlacés
Musicalement enlacés
Enlacés.
Nathalie
Mouvement Perpétuel
Le bout de ses doigts
Dans ma main ouverte.
Comme un seul être
En un mouvement perpétuel.
Dans le creux de ses reins
Ma paume plaquée,
La tenant au plus proche
De mon ventre embrasé.
Dans le pli de mon cou
Sa tête, juste posée.
Son souffle court,
Tous deux délicieusement cambrés.
En un mouvement perpétuel,
Une gestuelle précise,
La valse s’éternise
Tel le bronze de Camille Claudel.
Dominique Tesseron